Dans le Noble Coran et les œuvres des grands penseurs de l’islam, de nombreux arguments prouvent l’aspect naturel et primordial de la religion, l’accent étant résolument placé sur l’attention envers Dieu. Le Coran est le premier livre à exposer cette question et aujourd’hui, après quatorze siècles, nous voyons le savoir humain la confirmer. Pourquoi le Coran dit-il dans de nombreux versets : « Voici le Livre ! Il ne renferme aucun doute ; il est une direction pour ceux qui craignent Dieu. » (Al-Baqara (La vache) ; 2 : 2) ? Il dit qu’il est une guidance pour les pieux. On peut alors se poser cette question : Le Coran ne guide-t-il donc que les pieux ? Pourquoi dit-il au Noble Prophète (s) : « Tu avertiras seulement quiconque suit le Rappel et redoute le Miséricordieux dans son mystère. » (Yâ Sin ; 36 : 11), ceci alors que le Prophète fait craindre tout le monde et guide tout le monde à la vérité ?
Réponse
Les êtres humains disposent de deux types de guidance : l’une est la guidance innée, tandis que l’autre est la guidance acquise. Selon le Coran, tant que la lumière de la guidance innée d’une personne n’est pas allumée, la guidance acquise sera pour elle illusoire. Autrement dit, tant que l’être humain n’aura pas préservé son « humanité innée », les enseignements des prophètes seront pour lui illusoires. Leurs enseignements ne sont donc pas profitables à ceux qui ont perdu leur humanité. Voici un exemple d’un être humain privé du flambeau de la guidance innée : Le Noble Coran dit au début de la sourate Mâ‛ûn (L'ustensile) : « Vois-tu celui qui traite de mensonge le Jugement ? » (Mâ‛ûn ; 107 : 1). Il s’agit d’abord d’exprimer l’étonnement qu’un être puisse être humain et dans le même temps puisse s’imaginer que la religion est un mensonge. Dans les versets suivants, le Coran rappelle ce que sont les spécificités de cet être humain qui, sorti de l’humanité, réfute la religion : « C’est lui qui repousse l’orphelin. » (Mâ‛ûn ; 107 : 2). C'est-à-dire que le fait d’élever l’orphelin est en soi une clause d’humanité et que l’innéité de l’humanité veut que l’être humain fasse preuve de faveur pour l’orphelin. « Et qui n’encourage personne à nourrir le pauvre. » (Mâ‛ûn ; 107 : 3). Avec ces versets, on comprend que les êtres humains ayant de telles caractéristiques ont déjà perdu leur humanité, et il est naturel qu’ils aient également perdu l’islamité et la religion et ne soient pas des êtres humains dotés d’une fitrat, mais, au contraire, des êtres humains métamorphosés.
Innéité (fitrat) et adoration
Chacun peut aller avec Dieu en son cœur. Une porte dans chaque cœur est ouverte sur Dieu. Même l’individu le plus inhumain, en cas de détresse et lorsqu’il ne maîtrise plus rien, s’en trouve ébranlé et se réfugie auprès de Dieu. Ceci est un instinct incarné chez l’être humain. Il arrive que le voile du péché et de la cruauté le recouvre. Lors des difficultés qui lèvent le voile, cet instinct est peu à peu stimulé pour finalement s’animer. Quelqu’un demanda à l’Imâm Sâdeq (as) : « Quelle preuve y a-t-il de l’existence de Dieu ? » Il dit : « Es-tu déjà monté sur un bateau ? » Il répondit : « Oui. » L’Imâm dit : « Est-il déjà arrivé que le bateau soit pris dans une tempête, se trouve sur le point de sombrer et que tu n’aies plus aucun espoir ? » Il répondit : « Oui, cela est déjà arrivé. » L’Imâm dit : « A ce moment, ton cœur était-il tourné vers un lieu, cherchant refuge et abri, ne suppliait-il pas un seuil particulier de te sauver ? » Il répondit : « Oui. » L’Imâm dit : « C’est cela Dieu. » L’Imâm Sâdeq (as) connaît Dieu par la voie du cœur, de lui à Lui : « Il y a sur la terre et en vous-mêmes des signes pour ceux qui croient fermement. Ne les voyez-vous pas ? » (Adh-Dhâriyât (Qui éparpillent) ; 51 : 20-21). Cet instinct, cette attention se trouvant dans l’innéité de l’être humain et se révélant lorsque l’on est dérouté, lorsque l’on perd tout appui extérieur, cette attention envers la puissance qui domine l’ensemble des causes prouve l’existence d’une telle puissance. Si elle n’était pas, un tel instinct n’existerait pas. Bien entendu, il existe une différence entre le fait qu’un instinct réside dans l’être humain et le fait que l’être humain connaisse parfaitement cet instinct ainsi que son dessein.
L’instinct de boire du lait se trouve dès le départ chez l’enfant, lorsqu’il a soif et éprouve ce besoin en lui, cet instinct est stimulé et le guide, le pousse à chercher des tétons, alors qu’il ne sait pas ce que c’est, n’en a jamais vu et n’en a donc pas l’habitude. Cet instinct le guide et est une guidance en soi ; il le pousse à ouvrir la bouche et à se mettre à chercher, et s’il ne trouve pas, il pleure. Le fait de pleurer consiste à demander l’aide de la mère, cette mère qu’il ne connaît pas encore et dont il ne sait rien. Or, l’enfant ne sait rien lui-même à propos du dessein de cet instinct, à propos du dessein des pleurs, de la raison de l’existence de cet instinct en lui. Il ignore qu’il dispose d’un système digestif, que ce système veut s’alimenter et qu’il décompose ce qu’il ingère. Il ne sait pas pourquoi il veut et il ne sait pas que le fait de pleurer informe la mère, cette mère inconnue avec laquelle il va faire progressivement connaissance.
Concernant les instincts supérieurs de l’humanité, l’instinct de chercher Dieu, de Le vouloir, l’instinct de L’invoquer et de prendre refuge auprès de Lui sans L’avoir vu, est comparable à l’état de nouveau-né et des tétons qu’il n’a pas vus, qu’il ne connaît pas, et de la mère qu’il n’a pas vue, qu’il ne connaît pas. « Nous sommes à Dieu et nous retournons à Lui. » (Al-Baqara (La vache) ; 2 : 156). « Toutes les choses ne s’acheminent-elles pas vers Dieu ? » (Ash-Shûrâ (La consultation) ; 42 : 53). Bien entendu, s’il n’y avait pas de tétons et de lait convenant à l’estomac de l’enfant, son instinct ne le guiderait pas de ce côté-ci. Il se trouve donc une relation entre cet instinct et cet aliment disponible.
Il en va de même pour les autres instincts de l’être humain ; aucun instinct n’y a été déposé vainement, tous existent et ont été déposés en lui par nécessité. Deux états poussent donc l’être humain à appeler Dieu : pour l’un, lorsqu’il est en butte à la difficulté, à une situation critique, et qu’il ne peut plus s’appuyer sur aucun moyen extérieur ; et pour l’autre, lorsque son esprit atteint son apogée et où il s’affranchit lui-même les moyens extérieurs. Dans l’état de situation critique où il ne peut s’appuyer sur aucun moyen extérieur et matériel, l’être humain se tourne spontanément vers Dieu. Il n’a pas besoin d’y être appelé et, bien entendu, il ne s’agit pas ici d’une perfection de l’âme humaine. La perfection de l’âme est quand l’être humain se libère lui-même et atteint son apogée. Dieu dit dans le Coran : « Je n’ai créé les Djinns et les hommes que pour qu’ils m’adorent. » (Adh-Dhâriyât (Qui éparpillent) ; 51 : 56).
Nous avons aussi une connaissance inconsciente de Dieu, ce qui veut dire que tout le monde, au fond de son innéité (de sa fitrat), connaît Dieu de façon inconsciente, tandis que les croyants le connaissent de façon consciente. Si une telle idée pouvait être difficile à admettre au cours des siècles passés, il est aujourd’hui très facile d’y croire, car il est aujourd'hui prouvé que l’être humain possède deux types d’intelligence : l’intelligence consciente et l’intelligence inconsciente. Les psychiatres contemporains pensent ainsi que la plus grande partie de l’intelligence humaine se trouve dans l’inconscient. Ainsi, si nous nous inspectons le contenu de notre for intérieur, nous y trouverons une proportion de sensations, de connaissances et d’informations, d'instincts, de sentiments de colère, d’amour et autres, et nous penserons qu’il n’y a rien de plus. Or, en réalité, nous avons également en nous de nombreuses informations, connaissances, sensations et instincts dans le tréfonds de notre esprit dont nous n’avons aucune conscience.
L'une des formes d’adoration de l'être humain est la prière, qui est elle-même composée d'une suite de paroles, d’actes et d’intentions : il y a l’inclinaison, la prosternation, la station debout, la mention, etc. Or, si l’adoration est une vérité et que ces actes ont été déterminés par Dieu pour nous, alors en réalité, le fait de donner une forme à cette vérité, le fait de la manifester est inné et est présent en nous dès le départ. Autrement dit, la forme d'adoration qui a été déterminée pour nous a été conçue pour répondre à une vérité déjà présente en nous, une vérité qui, que nous la comprenions ou non, que nous y prêtions attention ou pas, est présente dans les profondeurs de notre nature primordiale. L’adoration recouvre donc une réalité complexe.
Dans l’adoration, il est question d’attention, de sacralisation (on entend par sacralisation le fait de considérer une vérité comme pure de toute forme de manque et de tout soupçon de manque, de sorte que lorsque nous voulons donner à cette vérité la forme de l’expression, nous lui donnons les formes de « Sobhân Allâh » (« Gloire à Dieu »), « Sobhâna Rabbî ul-‘Azîm wa bi hamdi » (« Gloire à Dieu Tout-Puissant, avec Sa louange… ») ou « Sobhâna Rabbî ul-A‛lâ wa bi hamdi » (« Gloire à Dieu le Très-Haut, avec Sa louange… ») et même « Allâhu akbar » (« Dieu est plus grand »), en disant : « Tu es au-dessus, Tu es pur de toute forme de manque, de tout soupçon de manque, de tout ce qui n’est pas Toi » (dans l’adoration, il s’agit de glorifier et d’adorer les perfections). Comme un rossignol gagné par l’état d’adoration lorsqu’il se trouve face à une fleur, l’être humain adore cette vérité qui est l’objet de son adoration. Dans l’adoration, il est question de dépasser les limites étriquées de soi, de dépasser les limites étriquées des espoirs et des désirs restreints et éphémères. Autrement dit, l’être humain, par l’adoration, dépasse le cercle des désirs et des espoirs limités, car dans l’adoration il s’agit de recours, il s’agit de lâcher-prise, de demande d’assistance. L'adoration aide l'être humain à se libérer des limites de l’égoïsme, de l’adoration de soi, des désirs... Lorsque nous disons que nous prions « Qorbatan ilâ llâh » (« Pour nous rapprocher de Dieu »), ce n’est pas là une simple formule courtoise, au contraire, cela veut dire que l’être humain dans la prière vole au-dessus de ces limites bornées en direction de la Vérité, de Dieu. L’état d’adoration dans lequel l’être humain s’investit est le plus grand, le plus noble, le plus splendide des états.
C’est cette adoration consciente que certains êtres humains pratiquent tandis que d'autres ne la pratiquent pas. Inconsciemment, tous adorent, car l’adoration est une réalité présente dans tous les êtres du monde, et il ne se trouve aucun être qui ne soit pas un adorateur de Dieu. Une parole du Coran dit qu’il ne se trouve pas une particule parmi l’ensemble des particules du monde que ne soit pas adoratrice de Dieu, de même, il ne se trouve pas un homme qui ne soit pas adorateur, même inconscient, de Dieu. « Vous n’êtes pas les seuls à louer, à glorifier, car toute chose fait la louange de Dieu et Le glorifie. » De nombreux versets expriment cette idée : « Ce qui est dans les cieux et sur la terre célèbre les louanges de Dieu. » (Al-Hadîd (Le fer) ; 57 : 1). « Ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre célèbre les louanges de Dieu. Il est le Tout-Puissant, le Sage. » (Al-Hashr (L'exode) ; 59 : 1). « Il est Dieu ! Le Créateur ; celui qui donne un commencement à toute chose ; celui qui façonne. Les Noms les plus beaux lui appartiennent. Ce qui est dans les cieux et sur la terre célèbre Ses louanges. Il est le Tout-Puissant, le Sage. » (Al-Hashr ; 59 : 24). « Ce qui est dans les cieux et sur la terre célèbre les louanges de Dieu. A Lui la Royauté ! A Lui la louange ! Il est puissant sur toute chose ! » (At-Taghâbun (La grande perte) ; 64 : 1).
Un autre verset : « Il n’y a rien qui ne célèbre Ses louanges – mais vous ne comprenez pas leurs louanges. » (Al-Isrâ’ (Le voyage nocturne) ; 17 : 44). Dans la logique du Coran, l’adoration n’est donc pas cantonnée à l’adoration consciente de l’être humain. Fârâbî, le célèbre philosophe musulman, a dit à ce sujet : « Le ciel fait sa révolution. Cette révolution est la prière, l’adoration du ciel. Il en va de même pour la terre qui se meut. Lorsque la pluie se déverse, ce déversement est son adoration. »